Peut-on être chrétien et de gauche ?

 Son royaume n'est pas de ce monde

Peut on être chrétien et de droite s'interrogeait Jean de Saint-Chéron dans la Croix du 14 octobre. Je ne conteste pas la légitimité de la question mais je me demande aussi pourquoi, ne pas poser la question symétrique : un chrétien peut-il être de gauche ? Question qui se dédouble sans doute en deux éléments : que signifie être de gauche et peut-être aussi que signifie être chrétien ?

1 - la gauche et la culture de la haine 

La réponse à ces questions ne peut évidemment se limiter à un renvoi ironique aux régimes totalitaires du XXe siècle qui ont fait du fil de fer barbelé le seul moyen d’empêcher leurs habitants de fuir la terreur et la misère. On espère qu’aucun chrétien ne se réfère sérieusement à ces régimes criminels (ou fous comme on voudra).

Alors, peut on être chrétien et adhérer à une autre gauche - celle qui n’est pas totalitaire ?  Répondre à cette question impose néanmoins de soulever une interrogation : pourquoi ce courant d’idées (disons en gros celui  du PS français) reste habituellement très discrèt sur les crimes de Mao ou de Staline ? Un chrétien ne devrait il pas à temps et à contre temps redira son hostilité à leur égard ?

Et ce d’autant plus, que nos journaux et nos conversations sont remplis de propos très agressifs à l’encontre de divers personnages publics de Trump à Zemmour, de Sarkozy à Le Pen. 

On pourrait mentionner d’autres sujets comme la haine des patrons, des militaires, des colons, des chefs, voire des ouvriers quand ils votent mal sans omettre maintenant les chasseurs et les pollueurs. Etre chrétien ne devrait-il on pas rejeter cette culture de haine située aux antipodes de l'Évangile qui prescrit au contraire l'amour des ennemis ? 

Etre chrétien n’imposerait pas un certain effort pour connaître et comprendre celui avec lequel on est en désaccord ? 

2 - le salut passe-t-il par la politique?

Etre chrétien, est-ce croire au salut individuel par la foi et les moeurs ou plutôt par la politique ?

Souvent être de gauche, même d'une gauche non totalitaire mais respectueuse des libertés, c’est appeler l'État à intervenir pour favoriser la construction d’une société différente qui serait plus juste, plus humaine, plus fraternelle, une société plus attentive aux petits, aux handicapés, aux pauvres - bref, une société qui reposerait globalement sur la sécurité sociale universelle. Ou pour être plus positif et plus religieux, une société et un État fondés sur les Béatitudes. 

Cette démarche me semble parfaitement défendable sur le plan économique et social. Mais en définitive, est elle authentiquement chrétienne? en effet être chrétien signifie-t-il simplement de voter dans un certain sens pour réorienter l'action gouvernementale ? 

Être chrétien signifie-t-il vraiment que la puissance publique doit employer les moyens qui lui appartiennent pour établir un système économique et social prenant en charge les pauvres ? 

Et plus largement est il conforme à l'Évangile de vouloir changer la société ? Ce projet de reconstruction de la société ne consisterait il pas à instaurer le royaume de Dieu sur terre or "Mon royaume n'est pas de ce monde"  a dit le Christ, pourtant directement confronté à une société et à Etat injuste.

3- la royauté sociale du Christ 

Pourtant en confondant leur combat politique avec une démarche spirituelle ne succombent-ils pas au risque bien connu d'aboutir au slogan "politique d'abord " ou encore "tout est politique"? Seraient ils des maurassiens qui s'ignorent ? Sans partager les conclusions de Maurras mais en adhérant à ses prémisses ?...

Pourtant un catholique ne devrait il pas promouvoir la royauté sociale du Christ? Mais que signifie ce concept?

Les catholiques sont à mon sens donc appelés à vivre ici-bas et aujourd'hui les vertus évangéliques comme la charité et la proclamation de l'Évangile Ils peuvent ainsi contribuer à la transformation des sociétés comme ce fut le cas à la fin de l'empire romain.

Toutefois nous croyons que ce monde reste marqué par le péché et que le Royaume adviendra uniquement au retour du Christ.

4- quelles sont les limites de l'action politique ? 

Permettez moi d'oser une hypothèse. 

Ne devrions nous pas examiner les limites du champ politique. Dans quelle mesure l'autorité politique est elle légitime pour s'occuper de tout?

On voit bien que l'autorité peut et même doit maîtriser les tendances mauvaises résultant de l'emprise du péché sur les hommes. 

Mais doit elle en déduire qu'elle a le pouvoir de se mêler de tout en toutes circonstances, de la propriété des terres à l'éducation des enfants, de l'organisation des hôpitaux à la durée des congés...

Je pense qu'il y a là matière à débat.